Croissance potentielle : définition, enjeux et perspectives pour l’économie

La croissance économique ne suit pas nécessairement le rythme des innovations technologiques ou des investissements. Dans certains pays avancés, l’accumulation de capital ne suffit plus à garantir une augmentation durable du niveau de vie. Un paradoxe s’installe lorsque l’expansion de la production se heurte à des limites structurelles, indépendantes des cycles conjoncturels.

Les institutions internationales utilisent des modèles complexes pour estimer la capacité maximale de croissance d’une économie sans générer d’inflation excessive. Cette estimation, loin d’être purement théorique, influence directement les politiques publiques et les anticipations des acteurs économiques.

Comprendre la croissance potentielle : une notion clé pour l’économie

La croissance potentielle ne relève pas du marketing. Selon l’Insee, il s’agit du taux de croissance en volume du PIB potentiel, c’est-à-dire du niveau de production qu’une économie peut atteindre durablement, sans déclencher d’inflation ni de déséquilibres majeurs. Le PIB potentiel mesure le maximum que l’on peut produire avec les facteurs de production actuels, capital, travail, et l’état de la productivité globale des facteurs (PGF).

Estimer ce PIB potentiel n’a rien d’un exercice mécanique. Les économistes disposent de deux grandes familles d’outils :

  • Méthodes statistiques pour lisser les variations du PIB observé,
  • Méthodes économiques s’appuyant notamment sur la fonction de production, combinant capital, main-d’œuvre et PGF.

Chaque composante pèse lourd dans la balance. La croissance des heures travaillées dépend par exemple de la population active, du taux d’activité, de la part des personnes en emploi et de la durée moyenne du travail. Pour le capital, on regarde l’ensemble des équipements, bâtiments ou infrastructures mobilisables.

Reste la productivité, véritable juge de paix. Elle indique jusqu’où il est possible d’augmenter la production sans consommer plus de ressources. Lorsque la productivité ralentit, comme c’est le cas depuis vingt ans dans la zone euro ou aux États-Unis, la trajectoire de la croissance du PIB s’en trouve freinée et le niveau de vie progresse plus lentement.

Chaque institution, Insee, Banque de France, OCDE, FMI, propose ses propres chiffres, qui diffèrent parfois, mais toutes s’accordent sur un constat : le potentiel de croissance n’est jamais figé, il évolue au gré des mutations économiques et sociales.

Quelles différences entre croissance effective et croissance potentielle ?

La réflexion macroéconomique moderne repose sur la distinction entre croissance effective et croissance potentielle. La première désigne l’évolution réelle du PIB effectif, calculée trimestre après trimestre, soumise aux hauts et aux bas de la conjoncture : cycles, chocs, politiques publiques. La seconde trace la trajectoire que pourrait suivre l’économie si elle utilisait pleinement ses facteurs de production sans créer de tensions sur les prix, autrement dit sans inflation excessive.

L’écart entre ces deux trajectoires porte un nom précis : l’écart de production. Il mesure la différence, à un moment donné, entre le PIB observé et le PIB potentiel. Quand la croissance effective dépasse la croissance potentielle, l’économie entre en surchauffe : capacités saturées, prix qui grimpent, chômage en-dessous de son niveau structurel. À l’inverse, si la croissance effective reste en deçà du potentiel, cela traduit des ressources sous-employées, un chômage élevé et une inflation faible.

Les institutions, Insee, Banque de France, OCDE, FMI, surveillent de près cet écart, car il sert de boussole pour piloter les politiques économiques. Il oriente les choix budgétaires et monétaires, éclaire les débats sur l’évolution du niveau de vie et la soutenabilité de la croissance. Sans cet indicateur, anticiper le risque de surchauffe ou de stagnation prolongée devient un pari hasardeux.

Les enjeux économiques majeurs liés à la croissance potentielle aujourd’hui

La croissance potentielle est désormais au cœur des arbitrages économiques. Des institutions telles que la Banque de France, l’OCDE, la Commission européenne, le FMI ou l’INSEE la placent au centre de leurs analyses. Chacune publie ses chiffres, parfois très proches, parfois plus éloignés : pour la France, l’OCDE prévoit 1,1 % en 2024, le gouvernement 1,35 %. Derrière ces décimales, des choix structurants : anticiper le niveau de vie futur, ajuster la trajectoire budgétaire, calibrer la politique monétaire.

Les chocs des dernières années ont laissé des traces profondes. Crise financière de 2008, crise sanitaire, crise énergétique : à chaque fois, le PIB potentiel de la France et de ses voisins a été revu à la baisse. Après 2008, la Grèce, l’Espagne, le Portugal et l’Italie ont même connu une croissance potentielle négative. La pandémie a obligé l’Europe à revoir ses ambitions. Ce sujet n’est plus un débat d’experts : il irrigue la discussion sur la dette publique, la solidité des systèmes sociaux et notre capacité à tenir nos engagements collectifs.

Trois leviers principaux structurent la réflexion sur la croissance potentielle. Les voici, avec leurs fonctions :

  • Politiques structurelles : stimuler la productivité et encourager la participation au marché du travail ;
  • Politiques conjoncturelles : préserver la stabilité à court terme ;
  • Politiques redistributives : répartir la richesse créée.

Des concepts comme le taux de chômage structurel, le taux d’intérêt neutre ou le taux de change d’équilibre découlent directement de l’évaluation de la croissance potentielle. Pour les décideurs publics, la marge d’erreur est mince : surestimer le potentiel, c’est promettre trop ; le sous-estimer, c’est se priver d’ambition et freiner l’investissement collectif.

Groupe de jeunes collaborant autour de graphiques et ordinateurs

Pistes pour approfondir et mieux appréhender les dynamiques de croissance

La croissance potentielle ne se dévoile pas au premier regard. Pour en saisir les ressorts, il faut dépasser le simple indicateur de PIB. Les économistes recourent à plusieurs approches : des méthodes statistiques pour lisser les cycles du PIB effectif, et des méthodes économiques qui modélisent la production à partir de la combinaison du capital, du travail et de la productivité globale des facteurs. La fonction de production de Cobb-Douglas, souvent citée, illustre ce raisonnement : capital et main-d’œuvre expliquent une grande partie de la tendance, mais la productivité globale des facteurs reste la clé de voûte.

Des institutions de référence, INSEE, Banque de France, OCDE, FMI, livrent régulièrement leurs analyses, enrichies par les travaux du Conseil national de productivité ou de chercheurs tels qu’Agnès Bénassy-Quéré (DG Trésor), Bergeaud, Cette, Lecat, Fernald ou Kehoe. Les débats sont vifs sur les hypothèses de productivité, sur l’effet du progrès technique ou sur le poids des évolutions démographiques.

Pour approfondir le sujet, plusieurs pistes s’offrent à ceux qui veulent comprendre les rouages de la croissance potentielle :

  • Comparer méthode semi-structurelle et méthode directe pour l’estimation du PIB potentiel ;
  • Lire les analyses de Herlin, Gatier, Montaut ou Pionnier ;
  • Interroger la solidité des estimations face aux crises sanitaires, financières ou énergétiques.

La clé pour saisir les dynamiques de croissance du PIB réside dans la diversité des méthodes, la confrontation des points de vue et l’articulation entre analyses empiriques et modèles économiques. Les chiffres, seuls, n’expliquent jamais toute l’histoire. Reste à savoir si, demain, la croissance potentielle sera frein ou moteur pour nos sociétés.

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